adieu mon Roudoudou

Après avoir lu beaucoup de témoignages pour y trouver de l'aide, à mon tour de partager ma peine, en espérant que ça l'atténuera. Là, tout de suite, Stéphanie et moi, on aurait besoin de Roudoudou collé à nous, pour caresser son cou et sa belle tête si douce, lui parler doucement, plonger dans la profondeur de ses yeux verts en se disant que malgré tous ses mystères, il nous comprend. Il serait là pour nous consoler, sauf que justement, c'est parce qu'il n'est plus là qu'on est dévastés de chagrin. Ce petit matou des rues et des jardins est arrivé chez nous en août 2020, en rentrant dans la maison et en s'installant comme s'il avait toujours été là. D'autres chats visitaient notre jardin, lui est entré et s'est imposé. On n'avait rien demandé, mais quelques mois plus tôt, confinement oblige, on s'était dit qu'on aurait bien pris un chat, on a a regardé des annonces sans aller plus loin. Et il est arrivé.
Ce petit Roudoudou tout roux et doux est bien sûr devenu notre bébé de substitution, on l'a adoré, on a organisé plein de choses de notre vie avec et pour lui. Pas besoin de dompter ce petit fauve, il a toujours été très câlin et adorable. Je passe le détail des jeux, des caresses, des siestes, des photos innombrables... J'ai souvent vu un petit bonhomme très élégant et sage dans ce petit corps à quatre pattes, une petite personne qui venait d'ailleurs ou de très loin, et repartirait un jour vivre une autre vie, de chat ou autre.
De moins en moins de distance entre lui et nous, complètement gagas les parents de Roudoudou, et heureux de l'être... Evidemment il a transformé notre quotidien. Le plaisir de le retrouver, les rituels du matin au soir (et aussi la nuit quand il avait décidé de sortir en nous piétinant pour nous en informer). Ce minet cheminée couleur de feu, qui a réchauffé nos coeurs, comblé plein de choses... Un plaisir sensuel, esthétique, spirituel un peu, en tout cas au-delà de la simple présence d'un animal de compagnie. On a déménagé, on l'a emmené bien sûr, il a trouvé ses nouveaux repères. Le petit caïd dormait beaucoup le jour, en rond ou les quatre fers en l'air, toujours dispo pour une caresse petite ou longue. Et il sortait la nuit, rentrait parfois cabossé de ses bagarres de chat... Et redevenait notre grosse peluche pour la journée, sans prendre la peine de répondre à nos questions : mais où vas-tu la nuit ?
Drôle de petit chat-chien, qui souvent nous attendait au coin de la porte quand on rentrait, n'aimait pas rester seul dans une pièce, nous suivait, venait se coller à nous et chercher les câlins. Petit malin bien nourri, bien soigné et choyé, qui a su profiter de notre amour et de nos largesses d'humains sans jamais abuser. Il n'a jamais rien chapardé, mais a toujours su nous faire comprendre ce qu'il voulait. Tellement gentil. Tendre minet nous a illuminés. On lui parlait beaucoup mais lui miaulait très rarement, il s'exprimait par le regard, les attitudes, surgissait derrière la fenêtre, nous regardait, baillait pour dire « je veux rentrer ». Et demandait à ressortir trois minutes plus tard. Et à re-rentrer un peu plus tard. On n'était jamais loin, on l'attendait, heureux d'être à son service en échange de sa présence.
Ces dernières semaines, il a été encore plus câlin qu'avant, à se coller de tout son long contre moi, à dormir avec ma main posée sur lui, en confiance totale.
Et puis le matin du 3 avril, il n'est pas rentré. L'angoisse normale de Stéphanie qui l'appelle. Le cabinet vétérinaire qui appelle pour dire que la dépouille de Roudoudou a été apportée. Il a été trouvé coincé dans une « fenêtre oscillo-battante », merveille de technologie humaine et piège mortel pour les petits matous aventuriers. On est allés le chercher, tout beau, comme s'il dormait, on a caressé sa belle fourrure de caramel, on a enfin pu lui caresser le ventre a pleine main sans qu'il se défende, on lui a parlé longtemps avant de l'enterrer.
Sa disparition est toute récente, sa présence est encore avec nous, on croit le voir dans chacun des endroits et des moments où il a accompagné notre quotidien. Il manque à mes mains, à mes yeux, à mon imaginaire. C'est le printemps, il aurait du galoper dans l'herbe, se tortiller au soleil sur la terrasse ou attendre en bas du magnolia qu'un oiseau tombe du nid. Et on l'aurait regardé en riant, en se joignant à lui. C'est comme une persistance rétinienne, un éclair roux qui passe, il est trop tôt pour qu'il s'estompe. Tu as vu Roudoudou ? Oui, il était là. Ce noble petit félin, bienfaiteur éphémère d'un couple d'humains, avait environ quatre ans, il nous manque aussi fort qu'il nous a comblés. C'est un chagrin d'amour irrationnel, quand on se sent le cœur arraché, inconsolable. Un grand rien après le petitou, le petit tout, me dit Stéphanie. Deuil, phase un : pleurer, avoir mal au ventre, souffrir, regarder des photos et le trouver si beau, sourire un tout petit peu au fond de soi en repensant à ce qu'il nous a donné, seulement du positif. Laisser passer les vagues de larmes comme un naufragé dans la tempête. Prévenir l'entourage en se demandant qui va comprendre. Accueillir la compassion de ceux qui comprennent... Ne pas en vouloir aux autres... Attendre, écrire, être patients... Quand ça fera moins mal, prévoir de garder une place dans son cœur pour Roudoudou, il viendra s'y lover.